L'art de la mesure

Connaitre son matériel pour en tirer le meilleur profit

Les capteurs de mesure de la qualité de l'air

Pour l’usage personnel, on trouve plusieurs types de capteurs proposés sur Internet.

Dans le cas présent des capteurs citoyens, ceux-ci ont été développés par l’Université de Stuttgart (Allemagne) à partir de composants du commerce permettant à quiconque de construire son propre capteur: voir le site https://sensor.community/fr/sensors/airrohr/

Dans le cas des stations officielles, type Atmo France, celles-ci mettent en oeuvre des capteurs beaucoup plus sophistiqués et onéreux. Exemples de capteurs mis en oeuvre : https://www.atmo-france.org/article/les-appareils-de-mesure

Le capteur citoyen

Il est bâti sur la base d’un détecteur de particules SDS011, détecteur optique, et incorpore également un détecteur de température et d’humidité de type BME280; toutefois le détecteur de température et d’humidité n’est pas toujours opérationnel dans tous les capteurs de mesure. L’ensemble est monté dans un boitier fermé comportement en même temps une entrée et sortie d’air. Le détecteur de particules est limité aux particules type PM2.5 et PM10et fournit un comptage des particules par moyen optique. Ce boitier installé en extérieur doit être autant que possible protégé de la pluie.

L’architecture de ce capteur est toutefois rudimentaire et ne permet pas un réglage adapté du capteur, d’où la nécessité d’une caractérisation (présentée ci-après).

Le capteur officiel type Atmo France

Les capteurs référencés et analysés dans les articles de ce site sont fixes et positionnés dans des quartiers ou en bord d’axes routiers très fréquentés (ex: photo ci-contre sur le périphérique toulousain). Ils peuvent mesurer différents polluants  et en particulier les particules à retombée type PM2.5 et PM10; dans ce dernier cas les mesures fournissent directement des données massiques toutes les heures. Les relevés Atmo sont complétés par des mesures de capteurs mobiles permettant ainsi de faire des modélisations sur des zones géographiques larges en milieu urbains.

Outre les mesures de particules PM10 et PM2.5, les capteurs d’Atmo Occitanie permettent (selon leur attribution) de collecter des données sur les teneurs en NO, NO2 et Ozone. Ces informations sont très intéressantes lorsqu’elles peuvent être croisées avec les émissions de particules en particulier en regard du traffic routier.

L'étalonnage (ou calibration) des capteurs citoyens

Les capteurs citoyens étant construits à partir de composants du commerce bas coût présentent des dispersions de comportement l’un par rapport à l’autre liés à la disparité des performances des composants assemblés. Toutefois la performance dynamique de ces capteurs est excellente et fidèle d’un capteur à l’autre avec une signature proche des capteurs professionnels. Cette caractéristique en fait leur atout à condition de pouvoir faire l’ajustement de gain individuellement entre chaque capteur pour traduire fidèlement les concentrations mesurées dans un même environnement.

Que cherche-t-on à mesurer ?

L’objectif est d’obtenir des mesures de particules PM avec une précision suffisante pour pouvoir faire des comparaisons entre capteurs permettant de conclure sur la qualité de l’environnement observé. Pour cela la plage de mesure visée est entre 0 micro-grammes par m3 à 50 microgrammes par m3 pour les PM2.5 et jusqu’à 70-80 micro-grammes par m3 pour les PM10. Au delà ces limites, inutile de chercher la précision car nous sommes déjà au delà de l’acceptable.

Calibration entre capteurs

Cette opération consiste à comparer la réponse des capteurs placés dans un même environnement et mêmes conditions (orientation, exposition, température, réseau wifi …). L’expérience de comparaison entre capteurs montrent que les écarts de mesures peuvent atteindre 200% pour les plus mauvais capteurs; en général la correction varie de 1 à 1,5 dans la plupart des cas.

Série de capteurs sans calibration

Dans le cas présent les données brutes de six capteurs placés au même endroit pendant la même période sont affichées sur un même graphe.

On note des écarts certes faibles aux bas niveaux mais toutefois sensibles à certaines périodes au vu de leur valeur absolue et des écarts plus perceptibles lors des concentrations plus fortes.

Série de capteurs après calibration

En ajustant les gains des capteurs deux à deux, on réduit la dispersion de leurs mesures aux bas niveaux et également lors des pics de mesure. On constate que la calibration est plus efficace pour les PM2.5 que pour les PM10.

On note ici des écarts de gain potentiels de 30% entre capteurs, qui se traduit par des niveaux moins élevés en particulier lors des fortes émissions.

Des écarts de gain plus importants sont parfois constatées entre capteurs; d’où l’intérêt de faire cette opération pour viabiliser les mesures et comparaisons entre capteurs.

 

Complémentarité capteur citoyen - capteur officiel

La mesure des capteurs citoyens est-elle suffisamment fiable pour compléter les données des capteurs officiels ?

La comparaison du comportement d’un capteur citoyen au regard d’un capteur officiel dans un environnement similaire est une réponse préliminaire à cette question.

Capteurs dans le centre de Toulouse

La comparaison du capteur officiel (FR50021) et du capteur citoyen (ID82196), situés très proches l’un de l’autre dans Toulouse, pendant une période sans grosse perturbation climatique (octobre 2023) montre un comportement similaire sur une grande partie de la période; la reproductibilité des mesures apparait plus forte sur les PM2.5 comparativement aux PM10. 

Des variations de mesures sont notables du 10 au 13 du mois et traduisent plus un évènement particulier dans l’environnement du capteur ID82196 qu’un écart de comportement de ce capteur par rapport au capteur Atmo.

Deux autres capteurs situés dans le centre de Toulouse mais dans un lieu différent, un capteur officiel (FR50030) et un capteur citoyen (ID15655), mais plus éloignés l’un de l’autre (qq centaines de mètres) montrent une assez bonne corrélation entre leurs mesures et en particulier une signature très proche pour les PM2.5 comparativement aux PM10. 

De nouveau des particularités sont notables sur la période du 11 au 13 du mois pour le capteur citoyen, celui-ci étant plus proche du capteur ID 82196 précédent que le nouveau capteur Atmo.

On constate également des émissions plus fortes en PM10 sur le capteur Atmo que sur le capteur citoyen. On note également cette tendance d’émissions PM10 plus fortes au travers des mesures d’un autre capteur citoyen situé plus au sud en opposition du capteur 15655 par rapport au capteur FR50030.

Ces constations entre capteurs citoyens et capteurs officiels montrent qu’ils peuvent être utilisés en complément pour faire des analyses globales d’environnement. Cette particularité offre donc une opportunité de caractériser la qualité de l’air dans des lieux où des capteurs officiels ne sont pas présents et où des capteurs citoyens sont déployés au travers d’actions individuelles ou collectives; c’est le cas de la région ouest et de la région sud-est (Castanet Tolosan) de Toulouse.   

Effets de l'humidité et de la température sur le capteur citoyen

A l’occasion de périodes froides et humides, en particulier en période de brouillard (hiver), on constate des dérives de mesure des capteurs citoyens. Quelques expérimentations simples ont permis de tirer les constations suivantes et corrections possibles.

Influence du taux d'humidité

Il ne semble pas y avoir d’influence sensible et de relation directe du taux d’humidité sur les mesures de concentration de particules par le capteur citoyen. Ainsi sur les relevés présentés entre le 5 et 8 janvier 2024 (voir onglet analyses), où des taux d’humidité importants ont été relevés, aucune variation notable des concentrations PM10 et PM2.5 ne peut mise en correspondance.

Toutefois il est souvent rapporté dans les discussions de la “Sensor Community” des augmentations de mesures PM en relation avec des augmentations de taux d’humidité mesuré (surtout au delà de 70%), au point que certains préconisent des modèles de correction avec le taux d’humidité.

Pour rappel, le taux d’humidité est le ratio entre la pression de vapeur d’eau présente dans l’air et la pression de vapeur saturante dans les conditions climatiques concernées. Hors la pression de vapeur saturante augmente lorsque la température diminue selon le loi de Rankine (ln(Psat)=13,7-5120/T (en K)). Ainsi lorsque la température basse, le taux d’humidité, à taux de présence d’eau constant, augmente et inversement. Hors à cause de son électronique bas coût, les performances du capteur citoyen varient en particulier avec les basses températures; donc les variations de mesures PM sont plus à mettre en relation avec la température d’environnement diminuant qu’avec le taux d’humidité proprement dit augmentant. L’impact des basses températures sur les mesures de concentrations PM est abordé dans la suite.

L'effet brouillard

Lorsque le taux d’humidité est proche de 100%, la présence de vapeur d’eau d’eau dans l’atmosphère se transforme en micro-goutellettes de brouillard. Le SDS011 étant basé sur une mesure optique de particules, toute gouttelette entrant dans le capteur peut être considérée comme une particule sédimentaire. Ainsi lors de périodes de brouillard plus ou moins intenses les concentrations mesurées par le capteur citoyen augmentent drastiquement.

L’approche d’un volume d’eau à température d’ébullition près d’un capteur fait monter rapidement la mesure de concentration à des valeurs sans rapport avec celle d’une pollution naturelle.

La présence de brouillard perturbe fortement les mesures de concentration à des valeurs inhabituelles (exemple du 15 janvier 2024 sur le capteur de Mons en banlieue toulousaine). De telles périodes sont facilement identifiables mais ne peuvent être aisément corrigées. Afin de ne pas perturber les analyses globales avec de telles mesures, la méthode mise en oeuvre consiste à écrêter ces mesures à des valeurs basses (ex: 50)

Afin de palier aux effets d’humidité impactant les mesures de capteur, certains capteurs perfectionnées sont équipés de chaufferettes en entrée d’air permettant d’assécher les échantillons mesurés. Cette mise en oeuvre devient compliquée pour des capteurs citoyens modifiant fortement la conception du capteur, ne serait-ce par l’implantation d’une alimentation électrique adaptée à une fonction “chauffage”.

Pour ce qui concerne les capteurs officiels Atmo, nous n’avons pas d’information comment est géré ce type de perturbation. 

Influence des basses températures sur les mesures des capteurs citoyens

C’est probablement le facteur le plus influent qu’il convient d’analyser et de corriger pour l’exploitation des capteurs citoyens.

Malheureusement le groupe citoyen ne possède pas de laboratoire pour caractériser au mieux cette spécificité; la bonne approche serait de mener des expérimentations dans une chambre climatique avec un environnement de particules controlé (i.e stable dans le domaine concerné).

Une expérimentation “amateur” a été menée consistant à isoler un capteur dans une enceinte quasi-étanche minimisant les perturbations extérieures afin de garder un environnement à concentration constante et en effectuant des mesures par nuit d’hiver afin de bénéficier d’une évolution thermique naturelle (donc simple et pas cher !); malgré la simplicité de l’expérimentation, des constatations intéressantes ont été faites permettant d’en déduire des préconisations utiles.

Relation mesures de concentration - température

On aperçoit un lien certain entre les évolutions des concentrations mesurées et l’évolution de température dans la période considérée (nuit du 22 au 23 novembre 2023). Les valeurs de concentration sont retrouvées lors de l’occurrence des températures maximales (pendant l’expérimentation). Toutefois il existe un décalage dans le temps entre l’optimum de concentration et le minimum de température (environ 1 heure); ceci est dû à l’inertie thermique du capteur, les composants électroniques ne suivant pas la même dynamique à cause de leur propre dissipation thermique. 

Un capteur en proximité extérieur montre une tendance d’évolution similaire (courbe de gauche). Des valeurs “crête”, signes d’évolution de l’environnement extérieur, apparaissent en complément. Les ratios de mesures au cours de l’expérience sont équivalents entre les deux capteurs (enceinte et extérieur) montrant que l’évolution obéit au même paramètre qui est la température d’ambiance.

Un examen de certains capteurs officiels Atmo dans Toulouse (courbe de droite) sur la même période ne montre pas cette tendance et présente une concentration PM10 relativement constante.

Correction de l'effet de température

Un coefficient de correction sur les valeurs PM sous la forme 1/(1+((T0-T)alpha)/K) est appliqué pour corriger l’effet perturbateur des températures en dessous de la température de référence T0 (ici 10°C en relation avec l’expérience menée). Les paramètres K et alpha sont définis pour les deux types de concentration PM; pour les capteurs présents, K=10 pour PM10, K=8 pour PM2.5 et alpha= 1.4 pour PM10 et 1.3 pour PM2.5. La température T considérée est décalée d’une heure par rapport à la température mesurée afin de prendre en compte l’effet inertie thermique de l’électronique des capteurs.

On retrouve pour les deux capteurs (dans l’enceinte (à gauche) et en extérieur (à droite)) des évolutions indépendantes de la température et semblables à ce que transcrivent des capteurs officiels. Cette correction est appliquée dans les analyses mensuelles présentées dans les onglets correspondants.

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